À la fin de sa vie, couronné de succès, Boudin s’aventure vers des voies nouvelles, revendiquant de « laisser à [sa] peinture […] l’aspect de l’esquisse ». Cette oeuvre appartient à une série d’œuvres exécutées à Trouville et Deauville, entre 1894 et 1897. Dans les vues prises à Trouville, Boudin aime à se placer au fond du chenal, face à l’entrée du port, de sorte que le paysage est souvent encadré, à gauche et à droite, par les deux jetées que l’on retrouve dans notre œuvre. Une seule jetée ferme pratiquement tout l’horizon. Il s’agit bien, toutefois, d’un de ces modestes ports de pêche normands. Les petits bateaux de pêcheurs au premier plan en témoignent, tout comme le détail du pêcheur ramenant sa petite barque au premier plan à droite.
Ce spectacle maintes fois interprété par Boudin est ici prétexte à une composition rapidement enlevée où ciel et mer, peints dans les mêmes tons de bleu semblent se confondre. Le reflet des nuages confèrent un rythme horizontal à l’eau calme du bassin, en opposition au ciel mouvementé, « pommelé » de nuages. Les bateaux scandent la composition et lient l’espace à la mer. L’ensemble baigne dans une même lumière blanche et transparente. Boudin saisit le mouvement des choses en même temps que leur forme et leurs couleurs : le nuage qui monte, l’eau qui miroite, la barque qui passe, et il écrit la synthèse des éléments et des êtres en action.
Vente Atelier Boudin, Hôtel Drouot, Paris, 20-21 mars 1899, lot 16
Galerie Lorenceau, Paris
Collection particulière, Espagne
Robert Schmit, Eugène Boudin 1824-1898, Tome III, Paris 1973, no.3627, illustré p. 384