Charles Lacoste habite le pays de la discrète harmonie, là où règne un goût si parfait que jamais un cri discordant ne trouble le paysage. Francis Jammes, poète
Fils d’un comptable bordelais et d’une mère créole, Charles Lacoste est né à Floirac, commune limitrophe de Bordeaux en Gironde. Mu très tôt par le désir de devenir peintre en observant les jeux de lumière qui fusent dans la poussière d’une ancienne étable, il se forme en autodidacte en fréquentant les collections publiques et privées de Bordeaux. En plus de ses observations minutieuses, Lacoste suit un temps des cours de perspective, indispensable selon lui pour l’art du paysage auquel il s’adonnera pleinement.
N’existant que pour son art et détaché des contingences matérielles, Lacoste vit simplement, souvent aidé et soutenu par ses amis. Parmi ceux de la première heure, citons le collectionneur Gabriel Frizeau et le poète Francis Jammes tous deux rencontrés au Grand lycée de Bordeaux. Grâce à Jammes, Lacoste se liera d’amitié avec la famille Rouart (les frères Henri, Eugène et Ernest et leur oncle Arthur Fontaine qui sont de grands collectionneurs), André Gide, ou encore le musicien Henri Duparc.
Amateur d’art japonais, et collectionneur d’estampes, Charles Lacoste applique dans ses toiles une simplification des formes et de vastes perspectives soulignées par des aplats de couleurs doux et souples.
On distingue particulièrement quatre grandes périodes dans sa production artistique.
La première qui s’étend de 1884 à 1893 se caractérise par des productions en plein air, proche de l’impressionnisme. La deuxième, 1894-1899, est empreinte de stylisation décorative et de vues urbaines nocturnes qui le rapproche du mouvement symboliste des Nabis. La troisième, entre 1900 et 1908, est plus lumineuse et radieuse. Le modelé des motifs s’articule tout autour de son travail sur la lumière. Enfin, la quatrième et dernière période, qui s’étend jusqu’au décès du peintre, sera singularisée par un retour au naturalisme classique.
Comme de nombreux artistes de son temps, Lacoste effectue plusieurs voyages à Londres entre 1894 et 1897. Il y réside chez l’écrivain Hubert Crackanthorpe rencontré chez Francis Jammes. L’atmosphère brumeuse et enfumée qui règne à l’époque sur la ville industrielle est captivante pour étudier les jeux de lumière fantomatique qui se reflète dans la Tamise. Lacoste étudie aussi avec attention les œuvres de Turner, et particulièrement ses aquarelles vénitiennes dans lesquelles il perçoit des sentiments de joie ou de tristesse, de calme ou d’agitation. Les mêmes sentiments nous saisissent devant les paysages de Lacoste.
Le jeune peintre expose pour la première fois au Salon des Cent en octobre 1898 à Paris, puis au Salon des Indépendants de 1901 à 1914 et régulièrement au Salon d’Automne de 1903 à 1956. Grâce à Gide, il rencontre le marchand Druet qui le soutient et l’exposera chaque année de 1904 à 1938. Sa première exposition individuelle à la Galerie Druet rassemble 86 œuvres en janvier 1905. Le travail de Charles Lacoste est également montré en Europe et particulièrement lors du Salon de la Libre Esthétique à Bruxelles en 1907, et au Salon de la Toison d’Or l’année suivante à Moscou. Il recevra aussi des commandes de l’État pour la décoration de l’escalier est du Palais du Sénat en 1928 et une peinture murale pour le Museum d’histoire naturelle de Toulouse en 1930.
Malgré des critiques souvent fort élogieuses et ses premiers succès obtenus dans les années 1906-1908, son œuvre tombe peu à peu dans l’oubli à la fin des années 30. Partageant depuis de longues années sa vie entre le Béarn et Paris, Lacoste se retire définitivement dans sa maison de Pradies en 1939. Il peint toujours et écrit beaucoup. En 1952, il débute la rédaction de ses Notes sur la Peinture, véritable testament artistique et spirituel, qu’il achève en 1958.
Ce n’est qu’à la faveur de l’exposition de 1971 sur les 2000 ans de la ville de Bordeaux que certaines de ses toiles furent redécouvertes, puis mises en regard de celles de ses illustres contemporains, les peintres des mouvements nabi et symboliste.